13 août, 2024
Dans le cadre de notre série, Stacia Franz, gestionnaire principale du service des communications, a pris le temps d’apprendre à connaître un peu mieux Andrew Terhoch.
SF: Merci de m’accueillir dans ton bureau. C’est très serein et apaisant ici.
AT: Je suis content que l’atmosphère du bureau soit chaleureuse.
SF: Commençons par te présenter : nom, poste et temps passé à St.Amant.
AT: Bonjour chers lecteurs. Je m’appelle Andrew Terhoch et je suis praticien de la santé spirituelle pour la communauté de St.Amant depuis six ans et demi.
SF: Décris-nous ton parcours professionnel avant d’arriver à St.Amant.
AT: J’ai travaillé en tant que collaborateur, conseiller et praticien privé au sein de la communauté de St.Amant. Mon lien avec St.Amant remonte à l’année 2010, quand j’étais massothérapeute pour les clients ainsi que les membres du personnel. J’ai fait ça pendant huit ans, jusqu’à ce qu’un jour je sois choisi pour occuper le poste de praticien de la santé spirituelle. Mais en réalité, j’imagine que mon parcours a commencé bien avant ça étant donné que je travaille au sein de la communauté en situation de handicap depuis que je suis jeune. Adolescent, j’ai commencé comme bénévole pour les Olympiques spéciaux. Après le secondaire, je suis devenu assistant à l’enseignement pour les enfants et les jeunes adultes en situation de handicap. En 1993, j’ai occupé le poste d’assistant de thérapie et je travaillais avec les enfants atteints de troubles neuromusculaires, principalement la paralysie cérébrale et l’autisme. Et en 1998, j’ai obtenu mon diplôme du collège de massothérapie. J’ai travaillé comme massothérapeute pendant 23 ans, principalement pour les personnes en situation de handicap et celles en soins palliatifs. Les huit dernières années, j’ai eu le plaisir de fournir des soins et du soutien aux personnes de la communauté de St.Amant. Au même moment, je me suis concentré sur mes connaissances personnelles ainsi que ma pratique de la pleine conscience. J’ai commencé à créer des ateliers et formations sur le toucher et les soins conscients pour les systèmes nerveux sensibles.
Ce qui a vraiment éveillé mon intérêt dans ce domaine de la formation à la pleine conscience, c’est le moment où un parent m’a demandé « Comment fais-tu pour réussir à masser mon fils alors qu’il est si sensible et a du mal avec le fait d’être touché ? » Je ne savais pas vraiment comment l’expliquer, c’était juste mon approche de ma pratique et la relation par rapport aux soins. Quelques parents m’ont encouragé à poursuivre mes efforts. J’ai commencé à faire des recherches par rapport au massage et au toucher d’un point de vue sensoriel. À partir de ça, j’ai commencé à étudier de plus près la fréquence des contacts que les gens reçoivent dans le milieu des soins de santé, avec l’aide pour s’habiller, être poussé en fauteuil roulant, se brosser les cheveux et les dents… La liste des moments impliquant d’être touché est longue. Chaque moment peut être source de sensibilité et de vulnérabilité. Et chaque moment nécessite de faire confiance de la même manière que lors d’un massage. Alors, comment gérer cette vulnérabilité avec attention et le plus grand respect? Ma réflexion m’a amené à voir plus loin que nos mains, à me pencher sur la manière dont nous touchons les gens avec les mots et comment nous communiquons et établissons un lien de confiance avec le ton de notre voix ainsi que notre présence. C’est cette réflexion qui a mené au programme de la pratique en pleine conscience (pratique en pleine conscience pour les professionnels du soutien direct) à St.Amant.
C’est cela qui m’a amené à penser à quel point le fait de faire confiance et de dépendre du soutien des autres pour bien vivre est quelque chose de profond et vulnérable. Et le degré de responsabilité qui nous incombe à tout moment en vivant avec une personne que nous soutenons : partager un repas, vivre une nouvelle expérience, acquérir une nouvelle compétence, surmonter le deuil. Ça va tellement plus loin, au-delà de notre soutien au niveau des soins personnels. Notre présence peut être une source de courage pour les personnes que nous accompagnons. La pratique en pleine conscience est donc en accord avec le soutien apporté par St.Amant au niveau de la santé spirituelle des gens : s’assurer que les gens puissent apprendre qui ils sont ainsi que comprendre et ressentir la valeur des relations. Ceci exige de nous d’être chaque jour présents, apportant notre soutien avec compassion et de manière consciente.
Donc tout ce qui a précédé ce rôle en santé spirituelle m’a sensibilisé d’une façon particulière : en tant qu’encadrant, travailleur en soins de répit, auxiliaire d’enseignement, thérapeute. Mes meilleurs professeurs sont les gens que j’ai eu le privilège d’accompagner et de soutenir en chemin. J’ai étudié la pratique de la santé spirituelle de manière plus formelle ces six dernières années et je continue à le faire. Mais mon parcours est composé d’expériences de vie précieuses et très variées. Ça a été un apprentissage par l’intermédiaire du vécu pour moi. C’est une réponse pas mal longue, mais pour faire court : 14 années passées avec St.Amant!
SF: Oui, mais ça permet de mieux comprendre ce que tu fais ici et ce que tu apportes.
AT: Je vois St.Amant comme étant un endroit dans lequel j’étais censé me retrouver en 2010 et selon moi c’est exactement là où je suis censé être aujourd’hui.
SF: Que fais-tu à St.Amant – À quoi ressemble ton quotidien?
AT: Je n’ai pas de jour typique. Je suis toujours disponible pour les interventions d’urgence, s’il y a une situation de crise, comme lorsqu’une personne que nous soutenons est en fin de vie. C’est une grande responsabilité que nous devons partager entre nous tous dans les moments difficiles. Je cherche donc des façons d’aider au mieux et d’être une ressource pour chaque personne ainsi que leur famille, pour les membres du personnel et les bénévoles tout au long de ce cheminement. Un autre jour, je peux être en train d’aider un porteur du savoir lors d’une cérémonie. Tu peux peut-être me voir en train de me préparer pour officier un enterrement ou une célébration de la vie. Je passe une partie de chaque journée à réfléchir à ce dont nous avons besoin pour notre modèle en matière de santé spirituelle et j’élabore des programmes. Je travaille sur un nouveau projet concernant les soins palliatifs. C’est profondément enrichissant de travailler de manière saine, donc c’est ce sur quoi je me concentre en ce moment. Il m’arrive de rencontrer des personnes et des membres de la famille pour discuter des besoins spirituels lors des périodes de transition et de changement.
Nous sommes résolument engagés dans notre soutien de la tradition catholique ainsi que des manières traditionnelles des Premières Nations de connaître l’esprit. Je collabore donc régulièrement avec d’autres lors de ces rassemblements, y compris Wilson Cortes qui est à la tête du soutien apporté pour toutes nos expériences catholiques. Je passe chaque jour du temps à analyser mon travail sous un autre angle, ouvrant mon esprit à d’autres opinions, d’autres façons de savoir et d’être. C’est important de se demander « Est-ce qu’il y a d’autres choses que j’ai besoin de savoir? » Donc, tous les jours, je tiens compte de cela, de ce que je suis en mesure de faire différemment dans mon travail en tant que praticien pour innover, offrir aux gens des occasions de développer leur santé spirituelle grâce aux arts, la musique, la nature ou le partage d’histoires.
J’ai un moment dédié aux cercles de méditation et de réflexion avec des groupes et des équipes, au besoin. J’anime la formation annuelle de St.Amant sur la pratique en pleine conscience, les séances de compassion personnelle en pleine conscience pour Réseau Compassion Network ainsi que les retraites. J’anime aussi deux fois par année Le cœur du leadership, une retraite de cinq jours pour les chefs. Je fais aussi partie de plusieurs comités de St.Amant, y compris celui sur la gestion du stress post-traumatique, celui sur la diversité, l’équité et l’inclusion, et celui sur la santé, le mieux-être et l’éthique. Je fais partie du comité de direction de l’association provinciale des soins spirituels ainsi que de celui de l’association canadienne de soins spirituels du Conseil national pour la réconciliation. J’ai donc habituellement à l’esprit et dans le cœur quelque chose lié aux comités.
Quand j’ai commencé à ce poste, une des Sœurs grises m’a encouragé à prendre chaque jour le temps de « m’attarder délibérément », afin d’être disponible pour les personnes en ayant besoin. J’essaye donc de passer une partie de chaque journée à rendre visite ou travailler simplement en gardant la porte de mon bureau ouverte, au cas où quelqu’un aurait besoin de moi.
SF: Tu sembles vraiment ouvert d’esprit.
AT: Mon travail l’exige. Je crois que c’est important pour tous les rôles dans le domaine social. On ne sait jamais ce par quoi une personne est passée et on ne sait pas toujours ce par quoi elle passera. Il ne faut pas porter de jugement, présupposer ou cataloguer. Ce qui est ou sera n’est jamais totalement connu. C’est ça le service social : accepter chaque personne telle qu’elle est, y compris soi-même. Notre esprit, notre présence, notre énergie… tout ça, les autres le ressentent. Tout ce que nous faisons à St.Amant aura à un moment donné un effet sur la vie de quelqu’un. Travailler dans l’ombre, en première ligne et tout ce qu’il y a entre, que vous enleviez un obstacle, identifiez un obstacle ou essayiez d’innover votre programme ou service, peu importe ce que notre bon travail créé, cela amène quelqu’un que nous soutenons à donner du sens, atteindre son potentiel et mieux se connaître. Nous jouons tous un rôle dans cela. C’est la responsabilité partagée en santé spirituelle. C’est une grande responsabilité pour nous tous. C’est aussi un cadeau et une bénédiction de savoir au plus profond de nous-mêmes que notre travail aide de manière concrète les gens et les familles. C’est la pierre angulaire d’une bonne santé spirituelle pour nous tous.
Je m’arrange pour dédier un moment de ma journée à l’apprentissage de quelque chose de nouveau en lien avec mon travail : santé spirituelle, troubles, équité, conscience de soi. Je m’entraîne tous les jours avec mon propre esprit. J’alimente ma propre santé spirituelle de différentes façons : méditation, réflexion, prière, écriture, cérémonie. J’ai aussi du mal avec le sens, comme tout autre être humain. Pour cette raison, je m’entraîne à m’ouvrir aux autres.
SF: On ne verse rien avec une tasse vide.
AT: C’est une bonne analogie.
SF: Maintenant que l’on connaît ton « quoi », explique-nous ton « pourquoi ». Qu’est-ce qui anime ta passion pour St.Amant?
AT: Pour faire simple, et en y repensant, ça a toujours été un travail spiritual pour moi. J’ai très tôt senti que c’était une vocation. Je me souviens avoir été témoin de l’exclusion, de la souffrance et de la moquerie dont a été victime une jeune femme en raison de qui elle était. Une moquerie qui venait principalement du fait qu’elle était en situation de handicap. Ceci m’a vraiment affecté. Donc oui, c’est une vocation, une manière d’accompagner qui m’attire. Être présent en amour, avec les gens, les familles, les collègues, c’est spirituel pour moi. Comme le dit Richard Wagamese, « Nous sommes une histoire ». Je m’identifie à ça. J’ai grandi avec deux conteurs à mes côtés : mon père et mon grand-père. C’est très important pour moi. J’aime raconter des histoires et écrire. Je suis poète à mes heures perdues. Pour les gens avec lesquels je travaille,j’ai la chance de pouvoir partager leurs histoires. C’est en relevant les défis qu’on crée de la lumière. C’est le travail spirituel. Il n’a jamais été question de travail ou de rôle, c’est le fait d’accompagner quelqu’un dans son développement, la découverte de soi, la possibilité de vivre plus pleinement sa vie, de partager leur histoire et leurs dons. Je peux exprimer de l’empathie envers les autres dans des moments de vulnérabilité et apprécier l’importance de donner du sens.
SF: Qu’est-ce qui te vient à l’esprit si je te demande de me parler d’histoires intéressantes, marrantes et inspirantes concernant ton travail à St.Amant ?
AT: La première qui me vient en tête c’est l’histoire d’une jeune femme que nous soutenions et qui était venue à une cérémonie il y a des années de cela. Elle avait allumé notre premier feu sacré, en hommage à la première cérémonie de la journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Lorsque la jeune femme est venue dans le cercle du tambour, une porteuse du savoir s’est approchée et a commencé à réfléchir aux capacités à danser de la jeune femme tandis qu’elle battait le rythme avec son pied sur son fauteuil roulant. Elle a dit à la jeune femme, « tu es une danseuse de gigue, ton esprit est en train de danser ». Ses paroles m’ont marqué, car c’est moins fréquent qu’on parle des personnes en fauteuil roulant que nous soutenons comme étant des danseurs ou auxquelles on donne la chance de danser.
Quelques jours plus tard, nous avons aidé la jeune femme à visionner des vidéos de danseurs de gigue sur un grand écran. Un musicothérapeute lui a mis des cloches aux chevilles et nous avons continué à partager des chansons ainsi que des vidéos tout en observant comment elle réagissait à cette expérience. La cérémonie suivante, nous avons apporté l’écran dans le jardin et la jeune femme a partagé une chanson de gigue avec les clochettes sur ses pieds. La cérémonie d’après, une porteuse du savoir est venue avec son tambour et la jeune fille a dansé.
Quelques mois plus tard, l’ami d’un membre du personnel lui a donné une jupe à rubans à sa taille ainsi que des chaussures de gigue neuves. Un ergothérapeute a construit une boîte de gigue qui a été attachée aux repose-pieds de son fauteuil roulant. Tout ceci est arrivé tandis qu’elle passait à l’autre phase de sa vie de danseuse de gigue. De nombreuses personnes font partie de cette histoire, des personnes qui l’ont accompagnée et l’ont soutenue grâce à leurs compétences, leur présence et leurs cadeaux. C’est un exemple très parlant de responsabilité partagée au niveau du soutien de la santé spirituelle. J’ai vu le bien que cela lui a fait. Et je sais que cette histoire est à présent gravée dans le cœur de toutes les personnes ayant apporté leur aide. Pour chacune des raisons pour lesquelles être témoin de la souffrance est difficile dans notre travail, il existe des moments tout aussi beaux.
SF: Une personne que tu souhaiterais remercier à St.Amant et pourquoi?
AT: Chad Gillert. La manière dont il partage son esprit à chaque instant, peu importe son rôle, est tellement généreuse qu’il crée de la joie sans donner l’impression de faire d’efforts. Et il fait preuve de grâce et d’un profond respect dans les moments de tristesse. Il est bénévole et a travaillé dans trois différents services. C’est un homme bon.
SF: Afin d’interagir avec les utilisateurs de Blink, quelle question suscitant des réponses étranges dans la section des commentaires souhaiterais-tu leur poser à la fin de cet article?
AT: De quel livre vous souvenez-vous quand vous étiez jeune et pourquoi vous en souvenez-vous, pourquoi reste-t-il gravé dans votre mémoire ?
SF: Excellente question! Merci énormément!